jeudi 24 mai 2007

Un mode de scrutin proportionnel à prime majoritaire

Cet article propose une méthode de désignation de l'assemblée nationale. Elle tente de permettre aux électeurs de voter pour les candidats qu'ils trouvent les plus représentatifs, et donc de limiter le vote tactique, tout en produisant une chambre stable.

Il s'agit donc de:
  • Dégager une majorité
  • Représenter les minorités

Tout en conservant un bulletin de vote extrêmement simple, contrairement par exemple au système électoral allemand qui oblige à choisir deux fois sur son bulletin de vote.

Scrutin de liste national à un tour avec une prime majoritaire

De liste car c'est le moyen d'obtenir la dose de proportionnelle nécessaire à la représentativité . Elle permet aussi de lutter contre une personnalisation du pouvoir : l'électeur ne vote pas pour un homme mais pour les idées qui sont portées par le parti politique qui présente la liste. La proportionnelle évite les effets de seuils ( aucun représentant avec 25% des voix et la majorité absolue avec 30%), permet une meilleur représentativité des partis minoritaires (pluralité de l'opposition), met les partis radicaux devant leurs responsabilités..

National car les députés ne sont pas les représentants d'un territoire. Aujourd'hui de nombreux députés estiment que leur travail en circonscription est plus utile que leur rôle national. C'est le symptôme d'un problème institutionnel car la représentation des collectivités territoriales est le rôle confié aux sénateurs ; alors que les députés sont les représentants de la nation tout entière. Confession de Jack Lang en 1997 « un député est souvent contraint de consacrer plus de temps à son ancrage local qu'à sa fonction de législateur », depuis rien n'a changé. Voir aussi cette anecdote croustillante d'un député-assistante sociale, mais les conséquence de ce clientélisme sont parfois moins drôle ... Il est cependant possible de conserver les circonscriptions, en les utilisant pour déterminer les membres de la liste qui se voient attribuer un siège (exemple affectation en circonscription majoritaire).

A un tour car les campagnes de second tour polarisent et appauvrissent le débat, diminuent la légitimité des élus: on a voté "contre" son adversaire et pas "pour" lui.

A prime majoritaire car un scrutin purement proportionnel pose des problème de stabilité des majorités. A l'issue du vote, une partie des sièges est attribué à la liste majoritaire. Les autres sièges sont repartis à la proportionnelle entre toutes les listes.

Détermination de la liste majoritaire

Considérer simplement la liste arrivée en tête conduirait les électeurs au vote stratégique: «A me représente mieux mais je vais voter B car il a plus de chance de gagner face à C».

Dans certains systèmes électoraux ce sont les nouveaux élus qui se mettent d'accord entre eux pour former une majorité (multipartisme de coalition.), cela entraîne des soupçons de "cuisine électorale" faite dans le dos des électeurs. Il serait démocratiquement plus sain que les alliances entre partis soient publiées avant les élections. C'est ce que propose ce système de vote.

Ce principe s'appelle l'apparentement. Il a mauvaise presse en France car il avait été introduit lors de législatives de 1951 et 1956 pour assurer la conservation du pouvoir par des partis politiques minoritaires. Le paysage politique a radicalement changé depuis et le mécanisme d'apparentement de 1951 était très différent de celui proposé ici.

Avant les élections chaque liste publie une table de report de ses voix qui indique un coefficient pour chacune des autre listes. Les listes doivent déposer leur tables avant une date T (par exemple à mi parcours entre le dépôt des listes et le vote ) devant le conseil constitutionnel. Le soir du jour T les table sont dévoilées publiquement.

Le jour du résultat on reporte successivement les voix des listes, corrigées par les coefficients données sur leur tables, en commençant par celle qui est arrivée en dernière position. On répète l'opération jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une liste: c'est la liste majoritaire.

Par exemple si on a quatre liste A,B,C et D avec les tables de report suivantes:

  • liste A : B(1), C(0), D(0)
  • liste B : A(1), C(0,5), D(0)
  • liste C : A(0), B(0,5) , D(1)
  • liste D : A(0), B(0,2), C(1)
Pour fixer les idées on pourrait imaginer que cette configuration représente deux grand partis de droite (A) et gauche (C), un parti de centre droit (B) et un parti de gauche plus radical (D).

En imaginant que ces listes ont obtenu A:30% B: 24% C:37% D:9%
  • Au premier tour la liste D reporte ses voix; A: 30+0*9=30, B:24+0,2*9=25,8 C:37+1*9=46 ; avec un score de 25,8 B est en dernière position
  • Au deuxième tour la liste B reporte ses 24 voix d'origine; A: 30+1*24=54, C:46+0,5*24=58; avec un score de 54 A est en dernière position
  • A reporte ses 30 voix d'origine; C est la liste majoritaire.
C est devenue la liste majoritaire parce que le parti central B avait décidé de lui reporter une part non négligeable de ses voix. Pour le même résultat sortie des urnes, si B avait opté pour une alliance plus forte avec A (en ne transférant par exemple que 0,2 de ses voix à C), celui-ci aurait pu être majoritaire. Mais le vote B aurait alors eu une autre signification, puisque ce parti abandonnait sa position relativement centrale pour devenir un allié quasi exclusif de A. On aurait alors été plus proche d'un affrontement bipolaire A+B contre C+D.

Bonus de sièges attribué à la liste majoritaire

On pourrait débuter en attribuant 33% des sièges à la liste majoritaire, ce qui assurerait une majorité absolue à tout liste ayant réunie au moins 25% des voix .

Si la liste majoritaire n'a pas la majorité absolue, c'est soit:
  • Que la chambre est composée de nombreuses listes qui ont toute faites un score relativement faible. Il va donc falloir former un gouvernement de coalition avec les listes les plus proches politiquement.
  • Que la liste qui était arrivée en tête était rejetée par une forte majorité des autres listes qui devront tenter de former un front républicain.

La valeur du bonus de siège pourrait ensuite varier en fonction de la stabilité passée du gouvernement : diminuer si cela fait longtemps qu'un gouvernement n'a pas été renversé, augmenter dans le cas contraire. Il est par exemple fixé par le conseil constitutionnel en suivant la règle suivante : au moins +10% si deux gouvernements ont été renversés au cours des 5 derrières années, au moins - 10% si pas de gouvernement renversé au cours des 5 dernières années.



Exemple

Le tableau ci-dessous donne la composition de l'assemblée, après le premier tour des élections législatives de 2002, en faisant l'hypothèse que la liste UMP soit devenue la liste majoritaire lors de la phase de report des voix.

Elle présente les cas d'une assemblée de 577 membres (effectif actuel), ou de 51 membres (effectif proposé ci dessus), en supposant un bonus majoritaire de 15, 25 ou 33% des sièges pour la liste UMP.


assemblée de assemblée de
Législatives 2002 577 membres 51 membre
sièges| 15% 25% 33%| 15% 25% 33%
LO 1,20% | 6 5 4 |
LCR 1,27% | 6 5 5 |
Ext. g. 0,32% | 1 1 1 |
PCF 4,82% 21 | 24 21 19 | 2 2 2
PS 24,11% 138 | 120 106 95 | 13 11 10
PRG 1,54% 7 | 7 6 6 |
DG 1,09% 6 | 5 4 4 |
Verts 4,51% 3 | 22 20 17 | 2 2 1
PR 1,19% | 5 5 4 |
Ecolo 1,17% | 5 5 4 |
Région. 0,26% 1 | 1 1 1 |
CPNT 1,67% | 8 7 6 |
Divers 0,77% 1 | 3 3 3 |
UMP 33,30% 309 | 253 291 322 | 25 28 30
UDF 4,85% 23 | 24 21 19 | 2 2 2
DL 0,41% | 2 1 1 |
RPF 0,37% 2 | 1 1 1 |
MPF 0,80% | 4 3 3 |
DD 3,65% 8 | 18 16 14 | 1 1 1
FN 11,34% | 56 50 44 | 6 5 5
MNR 1,09% | 5 4 4 |
Ext.d. 0,24% | 1 1 0 |


Le bonus de 25% semble ici le meilleurs compromis: il permet à l'UMP d'obtenir la majorité absolue tout en assurant une bonne représentativité des autres listes. Si un bonus de 33% n'aurait pas changé grand chose à la physionomie de la chambre, un bonus de 15% aurait obligé l'UMP à former une coalition avec l'UDF et les divers droite pour obtenir une majorité relative assez fragile.

Avec l'abandon du scrutin majoritaire, le plus grand perdant est le principal parti d'opposition (ici le PS) : il perd environ 1/4 de sièges. Les partis qui avaient réussi à passer des accords électoraux (PC, UDF, PRG, DD, DG) conservent une représentativité équivalente. Ce sont les partis "hors système" (les verts, LO, LCR, CPNT, le MNR et surtout le FN) qui bénéficient le plus de la proportionnelle.

Dans une chambre à 577 députés, avec un seuil de représentativité à 0,25%, quasiment tous les partis sont représentés. Dans une chambre à 51 membre, ce seuil monte à environ 3%, ce qui diminue fortement le nombre de listes représentées.

Cependant l'exemple est probablement biaisé car le mode de scrutin à une influence sur le vote des électeurs. Par ailleurs certain partis n'ont pas présenté des candidats dans toutes les circonscriptions et leur résultat aurait donc été meilleur dans un scrutin national. Enfin les alliances auraient abbouti à des listes communes au lieu d' accords électoraux ce qui aurait probablement entrainé des députés supplémentaire pour les petits partis.

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